Saint Maurice

Saint Maurice

+ Le 22  septembre,  nous  célébrons  la  mémoire  de  SAINT  MAURICE  et de ses COMPAGNONS  de  la  légion  thébenne,  Martyrs à  AGAUNE :
SAINT - MAURICE  EN  VALAIS

Sa vie

Cette présentation de la vie de Saint Maurice est tirée des « Petits Bollandistes, vies de Saints, Tome onzième, septième édition, Paris, Bloud et Barral, 1885». Par conséquent, le langage employé n’est peut-être pas toujours très compréhensible en 2004. C’est pour cette raison que nous envisageons prochainement de la remplacer par une présentation plus accessible et plus familière.
 
« Sous Maximien, qui partageait avec Dioclétien, et comme son collègue, l'empire de la république romaine, presque toutes les provinces virent déchirer et massacrer des peuples entiers de martyrs. Car non-seulement ce prince se livrait avec une sorte de fureur à l'avarice, à la débauche, à la cruauté, en un mot à tous les vices; mais encore il était passionné pour les rites abominables des gentils, et dans la rage de son impiété contre le roi du ciel, il s'était armé pour détruire le nom chrétien. Tous ceux qui osaient faire profession de la religion du vrai Dieu, des corps de troupes qu'il envoyait partout à leur recherche les enlevaient pour les traîner au supplice et à la mort. On eût dit qu'il avait fait trêve avec les peuples barbares, afin de tourner toutes ses forces contre la religion. Il y avait alors dans les armées romaines une légion de soldats qu’on appelait les Thébains. La légion était un corps de six mille six cents hommes sous les armes. On les avait fait venir du fond de l'Orient pour renforcer l'armée de Maximien. C'étaient des guerriers intrépides dans les combats, d'un courage magnanime, d'une foi plus magnanime encore; ils se montraient avec une noble émulation, pleins de générosité pour l'empereur et de dévouement au Christ; car ils n'avaient point oublié dans les camps le précepte de l'Evangile, rendant fidèlement à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est à César. Comme les autres soldats de l'armée, ils reçurent la mission de se livrer à la poursuite des chrétiens et de les amener devant l'empereur. Seuls ils osèrent refuser de prêter leurs bras à ce ministère de cruauté, et répondirent qu'ils n'obéiraient point à de pareils ordres. Maximien n'était pas loin; fatigué de la route, il s'était arrêté à Octodurum, aujourd'hui Martigny, à l'entrée de l'Entremont, sur la Dranse. Quand on vint lui annoncer dans cette ville qu'une légion rebelle à ses ordres avait suspendu sa marche et s'était arrêtée à Tarnade, appelé depuis Agaune, et enfin Saint-Maurice en Valais, il s'emporta tout à coup à un violent accès de fureur. Mais avant de continuer notre récit, nous croyons utile de donner ici une exacte description des lieux.
 
L'endroit où ils étaient est à soixante milles environ de la ville de Genève, mais à quatorze milles seulement du commencement de son lac, le lac Léman, qui traverse le Rhône. Ce lieu est situé dans une vallée, entre les chaînes des Alpes qui s'étendent jusque-là. Pour y arriver, le passage, est difficile par des sentiers escarpés et étroits; car le Rhône, dans son cours impétueux; laisse à peine au pied de la montagne un chemin sur sa rive pour le, voyageur. Mais quand une fois, malgré tous ces obstacles, on a franchi les gorges étroites de tous ces défilés, tout à coup on voit s'ouvrir une vaste plaine que les Alpes environnent de leurs roches sauvages. C'est dans ce lieu que la sainte légion s'était arrêtée.
 
En apprenant qu'elle refusait d'obéir, Maximien, tout bouillant de colère, comme nous l'avons dit, ordonna qu’elle fût décimée. Il espérait que les autres, sous le coup de la terreur, céderaient plus facilement aux volontés de leur maître. C'est pourquoi, aussitôt après cette première exécution, il renouvela ses ordres pour contraindre ceux qui restaient à poursuivre les chrétiens. Dès que ce nouvel arrêt eut été signifié aux Thébains, et qu'ils eurent appris qu'on voulait les forcer à exercer des persécutions sacrilèges, un grand tumulte s'éleva dans le camp; tous criaient que jamais ils ne se prêteraient à ce ministère impie; qu'ils avaient et auraient toujours en abomination les idoles et leur culte infâme; que toujours ils demeureraient fidèles à leur religion sainte et divine; enfin qu'ils n'adoraient que le Dieu unique et éternel, résolus de tout souffrir plutôt que de trahir la foi chrétienne. Instruit de cette réponse, Maximien, plus cruel dans ses emportements qu'une bête sauvage, reprend les instincts de sa fureur; il ordonne qu'on les décime pour la seconde fois et que l'on contraigne ceux qui restent à se plier à la loi qu'ils ont méprisée. Cet ordre sanguinaire fut donc porté au camp pour la seconde fois; aussitôt on jeta le sort, et l'on frappa le dixième des restes de la légion. Cependant les autres soldats que le glaive avait épargnés, s'exhortaient mutuellement à persévérer dans leur généreuse résolution.
 
Leur foi trouvait un puissant aiguillon dans le courage de saint Maurice que la tradition nomme leur chef, de saint Exupère, intendant du camp, et de Candide, le prévôt des soldats. Maurice les exhortait tous et excitait leur foi, en leur montrant l'exemple des martyrs leurs compagnons d'armes; il leur faisait ambitionner à tous l'honneur de mourir, s'il le fallait, pour le respect des lois divines et de leur serment au Christ; ils devaient suivre, leur disait-il, les frères qui venaient de les précéder au ciel. Ainsi s'enflamma dans ces bienheureux guerriers une glorieuse passion pour le martyre. Animés donc par leurs chefs, ils envoyèrent une députation à Maximien, qu'agitaient encore les accès d'une fureur insensée. Leur réponse, pleine à la fois de piété et de courage, était ainsi conçue:
 
« Empereur, nous sommes vos soldats, mais en même temps, et nous nous faisons gloire de le confesser hautement, nous sommes les serviteurs de Dieu. A vous nous devons le service militaire; à lui l'hommage d'une vie innocente. De vous nous recevons la solde de nos travaux et de nos fatigues; de lui nous tenons le bienfait de la vie. C'est pourquoi nous ne pouvons, ô empereur, vous obéir jusqu'à renier le Dieu créateur de toutes choses, notre maître et notre créateur, qui est aussi le vôtre, que vous le vouliez ou que vous ne le vouliez pas. Ne nous réduisez pas à la triste obligation de l'offenser, et vous nous trouverez comme nous l'avons toujours été, prêts à suivre tous vos ordres. Autrement, sachez que nous lui obéirons plutôt qu'à vous. Nous vous offrons nos bras contre l'ennemi que vous voudrez frapper, quel qu'il soit, mais nous tenons que c'est un crime de les tremper dans le sang des innocents. Ces mains savent combattre contre des ennemis et contre des impies; elles ne savent point égorger des amis de Dieu et des frères. Nous n'avons pas oublié que c'est pour protéger nos concitoyens, et non pour les frapper, que nous avons pris les armes. Toujours nous avons combattu pour la justice, pour la piété, pour le salut des innocents. Jusqu'ici, au milieu des dangers que nous avons affrontés; nous n'avons pas ambitionné d'autre récompense. Nous avons combattu, par respect pour la foi que nous vous avons promise; mais comment pourrions-nous la garder, si nous refusions à notre Dieu celle que nous lui avons donnée ? Nos premiers serments, c'est à Dieu que nous les avons faits; et ce n'est qu'en second lieu que nous vous avons juré de vous être fidèles. Ne comptez pas sur notre fidélité à ces seconds serments, si nous venions à violer les premiers. Ce sont des chrétiens que vous ordonnez de rechercher pour les punir; mais nous sommes chrétiens, nous, et nous voici; vos vœux sont satisfaits, et vous n'avez plus besoin d'en chercher d'autres; vous avez en nous des hommes qui confessent Dieu le Père, l'auteur de toutes choses, et qui croient en Jésus-Christ son Fils comme en un Dieu. Nous avons vu tomber sous le glaive les compagnons de nos travaux et de nos dangers, et leur sang a rejailli jusque sur nous. Cependant nous n'avons point pleuré la mort, le cruel massacre de ces bienheureux frères; nous n'avons pas même plaint leur sort; au contraire, nous les avons félicités de leur bonheur, nous avons accompagné leur sacrifice des élans de notre joie, parce qu'ils ont été trouvés dignes de souffrir pour leur Seigneur et leur Dieu. Quant à nous, nous ne sommes pas des rebelles que l'impérieuse nécessité de vivre a jetés dans la révolte; nous ne sommes pas armés contre vous par le désespoir, toujours si puissant dans le danger. Nous avons des armes en main, et nous ne résistons pas. Nous aimons mieux mourir que de donner la mort, périr innocents que vivre coupables. Si vous faites encore des lois contre nous, s'il vous reste de nouveaux ordres à donner, de nouvelles sentences à prononcer, le feu, la torture, le fer ne nous effraient pas; nous sommes prêts à mourir. Nous confessons hautement que nous sommes chrétiens et que nous ne pouvons pas persécuter des chrétiens ».
 
En recevant cette réponse, Maximien comprit qu'il avait à lutter contre des cœurs inflexibles dans la foi du Christ. C'est pourquoi, désespérant de triompher de leur généreuse constance, il résolut de faire périr d'un seul coup la légion toute entière. De nombreux bataillons de soldats reçurent l'ordre de l'entourer pour la massacrer. Arrivés devant la bienheureuse légion, les impies qu'envoyait l'empereur tirèrent leurs glaives contre ces milliers de Saints que l'amour de la vie n'avait point fait fuir devant la mort. Le fer les moissonnait dans tous les rangs, et il ne leur échappait pas une plainte, pas un murmure.
 
Ils avaient déposé leurs armes; les uns tendaient le cou, les autres présentaient la gorge à leurs persécuteurs; tous offraient aux bourreaux un corps sans défense. Malgré leur nombre et leur puissante armure, ils ne se laissèrent point emporter au désir de faire triompher la justice de leur cause par le fer. Une seule pensée les animait: le Dieu qu'ils confessaient s'était laissé traîner à la mort sans un murmure; comme un agneau, il n'avait point ouvert la bouche. Eux de même, les brebis du Seigneur, ils se laissèrent déchirer par des loups furieux. La terre fut couverte des cadavres de ces saintes victimes, et leur noble sang y coulait en longs ruisseaux. Jamais, en dehors des combats, la rage d'un barbare entassa-t-elle tant de débris humains ? Jamais la cruauté frappa-t-elle par une seule sentence tant de victimes à la fois, même en punissant des scélérats ? Pour eux, ils étaient punis, malgré leur innocence et leur multitude, quoique souvent on laisse des crimes sans vengeance, à cause du grand nombre des coupables. Ainsi l'odieuse cruauté d'un tyran sacrifia tout un peuple de Saints, qui dédaignaient les biens de cette vie présente dans l'espérance du bonheur futur. Ainsi périt cette légion vraiment digne des anges. C'est pour cela que notre foi nous les montre aujourd'hui réunis aux légions des anges, et chantant éternellement avec eux dans le ciel le Seigneur, le Dieu des armées.
 
CULTE ET RELIQUES.
 
Les corps des bienheureux martyrs d'Agaune furent découverts par révélation à saint Théodore évêque de Sion en Valais. Il fit élever en leur honneur une basilique adossée d'un côté à un énorme rocher. Or, pendant qu'on la bâtissait, il arriva un miracle que nous ne pouvons passer sous silence. Parmi les ouvriers qui, sur la convocation de l'évêque, s'étaient réunis pour ce grand travail, il y en avait un qui était encore païen. Un dimanche que les autres avaient quitté leurs travaux à cause de la solennité du jour. Il était resté seul à continuer son travail. Tout à coup, au milieu de cette solitude où il se trouve, les Saints, environnés de lumière, l'enlèvent et l'étendent par terre pour le soumettre au châtiment de son impiété. Il voyait de ses yeux la foule des Martyrs; il sentait les coups dont ils le frappaient et entendait leurs reproches, parce que seul, au jour du Seigneur, il avait manqué à l'église, et, de plus, osé, quoique gentil, travailler à la construction d'un édifice sacré. Ces châtiments et ces reproches étaient de la part des Saints une miséricordieuse bonté; car l'ouvrier, tremblant et consterné, voulut aussitôt demander qu'on invoquât sur lui le nom du salut et se fit chrétien.
 
Parmi les miracles des saints Martyrs, nous ne devons point oublier un fait qui a eu du retentissement, et que tous ont connu. Une dame, épouse de Quincius, personnage d'un rang distingué, était atteinte d'une paralysie qui lui avait enlevé l'usage de ses pieds. Elle sollicita son mari de la faire conduire à Agaune, quoique la distance fût considérable. A son arrivée, des serviteurs la portèrent dans leurs bras jusqu'à la basilique des saints Martyrs; elle revint à pied à son hôtellerie. Et aujourd’hui, dans ces mêmes membres que la mort avait déjà frappés, elle porte partout le témoignage du miracle qui l'a guérie.
 
Aux miracles racontés par saint Eucher, nous ajouterons celui qui arriva à saint Martin. Ce grand prélat, qui portait une singulière dévotion à nos glorieux martyrs, se rendit à Agaune pour tâcher d'avoir de leurs reliques; mais n'ayant pu en obtenir des moines qui possédaient ce lieu, il se transporta à l'endroit où ils avaient enduré la mort. Et là, après avoir fait une oraison très fervente, il prit un couteau et en enleva, en forme de couronne, un morceau de terre, et aussitôt, ô prodige admirable ! il en sortit du sang en abondance, qu'il reçut dans un vase apporté exprès pour cela, et en laissa une partie à Agaune avec ce même couteau; il apporta le reste à Tours, et le distribua ensuite à plusieurs églises, particulièrement à sa cathédrale et à celle d'Angers. Il en conserva seulement pour lui une petite fiole, qu'il porta toujours depuis par dévotion, et avec laquelle il voulut être enterré.
 
La mémoire de saint Maurice et de ses compagnons a toujours été très célèbre dans l'Eglise. Les fidèles ont coutume, dans les guerres contre les ennemis de la foi, de l'invoquer avec saint Georges, pour en obtenir la victoire par la force de leur intercession.
 
Le culte de Saint-Maurice et de ses compagnons, né en Valais sous les yeux des témoins de leur martyre, passa dans les Gaules vers la fin du IVe  siècle; il s'étendit plus tard en Italie; aujourd'hui il est connu et répandu dans toute la catholicité. Déjà vers l'an 390, saint Théodore, évêque de Sion, envoie des ossements des Thébéens à saint Victrice, évêque de Rouen. Saint Germain, évêque d'Auxerre, fait bâtir en 420, dans sa ville épiscopale, une église en l'honneur de saint Maurice et de ses compagnons.
 
Les églises paroissiales élevées sous le vocable de saint Maurice et de ses illustres frères d'armes, soit dans les diocèses voisins, soit à l'étranger, sont innombrables ; il y a en Suisse peu d'églises où l'on n'aperçoive quelque part la statue de Maurice ou le signe qui le rappelle, la croix tréflée qui porte son nom figure partout; on la voit peinte aux voûtes des sanctuaires sur les vieux drapeaux et gravée sur les armoiries des villes… »

Les chasses contenant les reliques de Saint Maurice et des martyrs thébéens se trouvent actuellement en la Basilique de l'Abbaye de Saint-Maurice en Valais.

Cette histoire authentique du martyre de saint Maurice et de ses compagnons a été écrite cent cinquante ans après leur mort, par saint Eucher, évêque de Lyon, qui cite leurs actes et la relation d'Isaac, évêque de Genève : Isaac avait été instruit par Théodore, évêque d'Octodurum. Nous avons reproduit intégralement ce monument, un des plus beaux de l’antiquité chrétienne, tel qu'il se trouve dans les Actes des Martyrs, traduits et publiés par les RR. PP. Bénédictins, de la congrégation de France, t. III, p. 20, Nous nous sommes servis, pour compléter cette biographie, d'une Notice sur la ville de Saint-Maurice et son abbaye, par M. le chanoine Beck; de l'Hagiologie Nivernaise, par Mgr Crosnier, et des Saint  de Troyes, par M. l'abbé Defer. 

Référence :
Les petits Bollandistes, vies de Saints, Tome onzième, septième édition, Paris, Bloud et Barral, 1885